Crise humanitaire au Nord-Kivu : Incursion des rebelles M23 dans le territoire de Rutshuru

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Le M23, un mouvement qui, défait depuis 2013, reprochant à Kinshasa de n’avoir pas respecté ses engagements en matière de démobilisation de ses combattants, fait de nouveau parler de lui depuis la nuit du 27 au 28 mars 2022 aux environs de 2 heures de matin, s’attaquant sur les positions des FARDC à Tchanzu, Runyoni et Ndiza dans le groupement de Jomba, localité de Gikoro, territoire de Rusthuru, dans la province du Nord-Kivu.

Des dégâts énormes occasionnés par des nouvelles crises humanitaires se font observés dans le territoire de Rutshuru depuis le mois de novembre 2021, suite à des incursions successives  du M23, dernièrement à Rugari et présentement dans le groupement de Jomba.

Comme souligné tout haut, après avoir pris contrôle des collines de Tchanzu, Runyoni et Ndiza ce 27 au 28 mars 2022, les éléments du M23 ont pris une extension vers plusieurs agglomérations fortement peuplées dont Mukingo, Cheya, Rubona/Tshengerero, Kabindi et Bunagana (Cité frontalier de l’Ouganda).

Face à la pression des rebelles du M23, les Forces armées de la République Démocratique du Congo ainsi que la population civile se sont retirées des agglomérations attaquées faisant un repli sur Rutshuru Centre, Kiwanja ainsi qu’en Ouganda. D’autres déplacés se sont orientés dans les groupements de Kisigari (village de Bugina) et Bweza(Ntamugenga).

De surcroît, pour essayer de rassurer la population, les rebelles du M23 ont organisé un meeting populaire au CSR (centre de santé de référence) de Rwanguba. Ce qui n’a pas rassuré la population qui a continué à faire des mouvements préventifs. Notons que leur position avancée a été placée à Rangira dans le groupement de Busanza à 5 km de Rutshuru centre ; à cela, plusieurs rumeurs ont circulé, disant que les rebelles M23 avaient l’intention d’avancer et de prendre contrôle de Rutshuru centre et Kiwanja. C’est ainsi que la population de Rutshuru s’est dirigée anticipativement à Kiwanja

Epaulées par l’armée Ougandaise, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo ont mené des opérations afin de reconquérir la cité de Bunagana le mardi dernier 29 mars 2022 bien qu’il y ait encore une certaine incertitude quant aux forces qui contrôlent réellement la cité.

Notons qu’en date du 30 mars 2022, les sources locales ont renseigné la présence su M23 à Tshengereo, chef-lieu du groupement de Jomba. Ce qui a de nouveau causé un déplacement massif des populations de Gikoro, Bunagana, Rubona, Ceya, Mukingo, Tshengerero, Kabindi et Kibanda.

Face à cette crise, la Caritas Goma s’est démenée pour trouver des informations réelles auprès des autorités locales et de ses agents basés à Rutshuru dans le projet PRVBG. Les échanges avec ces derniers ont prouvé que ces affrontements ont déplacé plus de 6 000 ménages du groupement de Jomba. Toutefois, le dénombrement systématique n’est pas encore fait. Les statistiques de la population du groupement de Jomba sont estimées à environ 158 476 personnes (statistique de la chefferie pour le 3ème trimestre 2021) et signalent que cette incursion aurait occasionné le déplacement d’environ 80% des ménages.

Ainsi, l’autorité coutumière locale contactée par la Caritas Goma a indiqué que le CSR de Bugusa/Jomba et l’hôpital de Rwanguba ont été pillés et les médicaments emportés. De nombreux pillages systématiques sont aussi signalés dans des maisons, boutiques, dépôts des vivres à Tshengerero et Jomba. Ces affrontements ont touché directement tous les villages du groupement de Jomba à part Rangira, a encore souligné la même autorité locale.

Une accalmie s’observe ce jeudi 31 mars 2022 à Bunagana et Tshengerero car renseigne- t-on que les éléments du M23 se sont retirés de ces localités et pourraient être dans les environs de Jomba/Bugusa.

Des sources locales ont renseigné aussi que ces affrontements ont engendré un impact négatif sur toutes les activités économiques et humanitaires à Tshengerero et Bunagana. Ce qui s’explique par l’arrêt strict et immédiat des activités économiques et humanitaires dans ces deux lieux attaqués. Les acteurs humanitaires ont, soit suspendu leurs activités, soit délocalisé leur personnel.

Une partie des populations qui s’est déplacée à Rutshuru est logée dans des centres collectifs sans abris et dans des familles d’accueil. A cet effet, la communauté d’accueil (Rutshuru Centre) étant surpeuplée, les nouveaux arrivés exercent une pression supplémentaire sur les ressources et infrastructures déjà limitées dans cette zone car, les personnes déplacées, face au bombardement, ont abandonné leurs biens, qui, malheureusement ont été pillés et n’ont que très peu d’articles ménagers essentiels pour répondre à leurs besoins.

De plus, l’afflux de nouvelles vagues des personnes déplacées pourrait aggraver la situation sanitaire déjà précaire dans les quartiers et villages d’accueil avec une augmentation des déchets solides domestiques et organiques en décomposition. Le CSR de Bugusa et l’HG(Hôpital général) de Rwanguba pillés systématiquement nécessitent un appui en médicaments essentiels vu que l’accès aux soins de santé est difficile en raison des ressources financières limitées.

Avec les pillages systématiques que viennent de connaître certaines localités (Gikoro, Rubona et Mukingo), dans les jours à venir, les récents retournés se retrouveront probablement en insécurité alimentaire et vulnérables en AME. Probablement les conditions de vies précaires dans lesquelles ces déplacés et réfugiés se trouvent et le manque de prise en charge rapide et effective les pousseraient à opter pour un retour rapide dans leurs milieux respectifs. D’une manière anticipative, une assistance en articles ménagers essentiels(AME) et vivres est à envisager auprès des déplacés et retournés, constat fait par l’Abbé Richard MUHINDO, Directeur de la  Caritas-Développement, Goma.

Suite à des déplacements répétitifs des populations, le flash update de OCHA du 29 mars 2022 indique que plusieurs milliers des personnes se sont déplacées vers Bunagana à la frontière Ougandaise ; quelques 4 500 autres auraient trouvé refuge dans les églises, des écoles et d’autres bâtiments publics de Rutshuru centre et des localités environnantes. Dans ce même flash, selon les sources des Nations Unies et locales, au moins 24 000 personnes auraient traversé vers l’Ouganda.

L’alerte de protection d’INTERSOS du 28 mars 2022 renseigne que selon les sources locales, environ 6 025 ménages (de 24 120 personnes) de la population de Jomba (Gisiza, Runyoni, Chanzu, Ndiza) auraient traversé la frontière vers l’Ouganda. Ces ménages sont accueillis dans un stade avec probabilité d’être acheminés dans les camps des réfugiés de Chaka, Changware, Nakivale et Rwamwanja.

A ces propos, l’0IM a fourni et publié le 30 mars 2022, un rapport d’évaluation des données détaillées des déplacements des populations dans le territoire de Rutshuru indiquant que 1231 ménages (représentant 2510 personnes de sexe masculin et 3398 personnes de sexe féminin)  sont installés dans des centres collectifs à Rutshuru et Kiwanja.

Pour clore, après plusieurs mois de soupçons et des décennies de méfiance, l’armée congolaise accuse le Rwanda de soutenir cette rébellion, accusation démentie par les autorités de Kigali. Rappelons que le M23 appelé également « armée révolutionnaire congolaise » est issu d’une ancienne rébellion Tutsi congolaise jadis soupçonné être soutenue par le Rwanda et l’Ouganda. Il est fort probable que ces évènements ravivent  un climat de méfiance  et des relations entre les états de la sous – région dans un contexte sécuritaire fragile.

 

Eddy Yamwenziyo/Cellule de communication Caritas-Développement Goma.

 

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